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C’était un grand vieillard tout en longueur un peu voûté mais on voyait qu’il avait encore de la prestance. Il en avait connu des générations, on disait même qu’il datait de Napoléon III. Il avait belle allure et ils étaient nombreux à travailler à Stony. 

Le régisseur et sa femme, les Ramonets  géraient le domaine pour les propriétaires et y habitaient ainsi que les ouvriers agricoles, célibataires souvent et même les chevaux de trait.

Dans les années 70, ils étaient partis, les uns après les autres et désormais les propriétaires avaient mis la main à la pâte, à la pioche, aux sécateurs, au volant du tracteur.

Dans les années 80, j’y ai  même vécu plusieurs années, dans un petit appartement au dessus de l’écurie, mes enfants ont appris à marcher à ses pieds sur les pavés inégaux de la cour. Puis plus personne… Ses volets fermés battaient parfois, les jours de grand vent, regard fermé sur la vie de la cour.

Faute d’entretien, la pluie s’infiltrait dans l’ouvrage et commençait son travail de sape. Les finances étaient maigres, tant les besoins pressaient pour les aménagements du chai, la replantation des vignes, la commercialisation…

Un soir, en raccompagnant un client à sa voiture, une tuile tomba du toit et s’écrasa devant nous. Il me demanda la raison d’une pareille désaffection : « C’est dommage, dit-il, elle est belle cette bâtisse, vous ne l’entretenez pas ? » J’eus honte. Le bonhomme parti, je me pris à rêver : ce beau bâtiment, qu’une génération d’artisans adroits avaient élevé avec les pierres du domaine, la chaux des garrigues, le bois de l’arrière pays et le sable de la mer. Cette œuvre des hommes d’ici et de plus loin qui en avait tant vu, devait survivre et accueillir la vie à nouveau.

Il fallut quelques années pour se lancer : il avait logé des ouvriers agricoles, il accueillerait désormais des vacanciers curieux de découvrir et de partager la vie d’un domaine vigneron…

Frédéric.